Ce texte a été rédigé à la suite de la 65e session du séminaire Franco-Russe co-organisé par le Centre d’Études des Modes d’Industrialisation de l’École de Guerre Économique (Paris) et par l’Institut de Prévision Économique de l’Académie des Sciences de Russie (Moscou). Ce séminaire s’est tenu les 3-5 juillet derniers à la fois en distanciel et en présentiel et a été hébergé dans les locaux de l’École de Guerre Économique que je tiens à remercier. Il a réuni des chercheurs français, russes, mais aussi arméniens et du Belarus. Il témoigne de la volonté de ces chercheurs de maintenir, en dépit des circonstances actuelles, une coopération scientifique entre la France et la Russie.
Ce texte est rédigé suivent les règles de Chatham House. Les interventions des participants sont anonymes. Par contre, des références sont faites aux documents présentés dans le cours du séminaire. L’auteur de ce texte remercie ses collègues pour les remarques et les contributions faites durant le séminaire. Il demeure seul responsable des erreurs et omissions du présent texte.
Comment l’économie russe a-t-elle résisté aux sanctions prises depuis fin février 2022 ? Cette question a beaucoup agité les esprits avec souvent plus de propagande que de faits réels. Rappelons que les sanctions mises en œuvre contre la Russie depuis le début des hostilités en Ukraine ont été profondes et étendues[1]. Elles viennent s’ajouter aux sanctions mises en place après les événements de 2014[2]. Les prévisionnistes, tant en Occident qu’en Russie, ont produit des prédictions souvent catastrophiques sur ce que deviendrait l’économie russe d’ici la fin de 2022. Néanmoins, rien de dramatique ne s’est produit. Cette situation nous rappelle alors un autre échec majeur des prévisions en 1998-1999 à la suite du krach financier russe.
Ces sanctions ont eu un impact, qui a été et qui est toujours, reconnu par les autorités russes. Mais la question était, et reste de savoir combien. Au final, pour 2022, la croissance, qui était de 3,5% dans les deux mois précédant les sanctions, s’est transformée en une récession de -2,1%. Cela est certes significatif mais cela reste bien moins que ce qui avait été initialement prévu, avec des chiffres annoncés de -8% à -10%. De toute évidence, l’économie russe ne s’est pas effondrée, que ce soit financièrement ou économiquement et l’impact réel des sanctions soulève de nombreuses discussions.
Par ailleurs, l’économie russe semble avoir retrouvé, à la fin du 1er semestre 2023 une croissance assez robuste. Ainsi, l’industrie russe connait depuis la fin du premier trimestre 2023 des résultats que l’on peut qualifier d’excellents. Les volumes et niveaux de production ont retrouvé ce qu’ils étaient avant les sanctions. Fait important, ceci concerne toutes les branches et pas seulement celles qui sont à potentialités militaires. Par contre, une étude microéconomique montre que l’impact des sanctions n’a pas encore été effacé, même s’il est à l’évidence en voie de résorption. L’industrie russe a retrouvé son efficacité mais pas encore son efficience. Autrement dit, l’économie, et l’industrie, ont retrouvé les volumes de production du début de 2022, mais avec une productivité du travail qui, elle, a baissé
Un bilan général
La croissance de l’industrie et en général de l’économie, qui avait déjà été importante au mois d’avril, s’est accélérée au mois de mai de manière très forte. En glissement annuel le PIB (au sens de la production matérielle) aurait augmenté de 8,7% et, au sens général, de 5,4% après 3,4% en avril dernier. Le chiffre d’affaires du commerce de détail s’est accru de 9,2% et le chômage est tombé à 3,2% de la population active. Le salaire réel aurait quant à lui augmenté de 10%. La production industrielle a augmenté de 7,1% (dont 12,8% pour Industrie manufacturière et la production des matières premières a augmenté de 1,2%), l’agriculture de 2,9% et la construction de 13,5%.
Comment peut-on expliquer de tels résultats, mais aussi la très bonne résilience de l’économie russe à ce qui est, et reste, le cadre le plus contraignant de sanctions jamais prises contre un pays, hors les cas de guerre ? De fait, on peut considérer que les mesures prises contre la Russie s’apparentent à des mesures de guerre économique. Il semble bien que les initiateurs des sanctions, les États-Unis et les pays de l’Union européenne, ont à la fois sous-estimé les capacités de résistance de l’économie russe, de ses capacités de transformation, mais aussi des capacités de réaction du gouvernement russe.
Lire suite ICI