Aujourd’hui s’ouvre à Dakar, capitale du Sénégal, le Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique. Pendant deux jours, tout ce que le continent compte de spécialistes et d’experts sur les questions sécuritaires, cogiteront sur les stratégies susceptibles de tirer l’Afrique de l’impasse sécuritaire dans laquelle se trouvent bien des Etats du continent. Cette rencontre de partage se tient à un moment où le Sahel africain fait plus que jamais l’objet d’attaques terroristes et où les populations ne savent plus à quel saint se vouer pour espérer desserrer, un tant soit peu, l’étreinte terroriste qui ne cesse de les étouffer. Ce forum représente donc une lueur d’espoir pour elles tant du côté de Bamako, de Ouagadougou que de Niamey. La question qui se pose à tous, dès lors, est de savoir si la tombe du terrorisme sera enfin creusée à Dakar. En tout cas, c’est tout le mal que l’on souhaite à cet énième sommet consacré à ce grand mal qui, lentement et insidieusement, est en train de ronger le Sahel africain au point que certains analystes l’ont déjà inscrit à l’article de la mort programmée.
Le Sénégal a su développer une politique préventive
En attendant de voir ce dont ce forum va accoucher de concret et d’inédit par rapport aux précédents fora sur la question, l’on peut déjà se réjouir de trois choses. La première se rapporte au pays hôte. Le Sénégal, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a su développer une politique préventive qui porte aujourd’hui des fruits. En effet, depuis que presque toute l’Afrique de l’Ouest est dans la tourmente terroriste, le pays de Senghor a intelligemment actionné, peut-on dire, les leviers locaux pour se mettre à l’abri du péril. Il a su notamment reposer sa méthode de prévention sur la déconstruction du discours terroriste via les puissantes confréries musulmanes du pays. A ce sujet, l’on peut faire une mention spéciale au rôle déterminant de la confrérie des Mourides. Ce contre-discours porté par des chefs religieux et non des moindres, peut être l’une des recettes pour contrer le terrorisme au Burkina, au Mali et au Niger. A cela, on peut ajouter l’efficacité des services de renseignement du pays en particulier et le professionnalisme dont fait preuve l’armée sénégalaise en général. En effet, pendant que les armées des pays en proie aujourd’hui au terrorisme, se sont spécialisées dans l’art des coups d’Etat, l’armée du Sénégal a mis un point d’honneur à se construire autour des valeurs de la République. Cette qualité, qui la met à l’abri des querelles politiciennes, a sans doute contribué à faire d’elle l’une des armées les plus disciplinées et les plus soudées du continent. Et face à une telle institution, le terrorisme a peu de chances de prospérer. La deuxième chose à saluer à sa juste valeur est le fait que la Mauritanie prend part à ce forum en tant qu’invitée d’honneur. En effet, ce pays a aussi de quoi partager avec l’Afrique, sur les questions sécuritaires. En tout cas, on peut faire le constat que la Mauritanie a non seulement assagi, peut-on dire, ses propres « barbus », mais a aussi pu empêcher ceux des autres pays de déposer armes et bagages sur son sol. Pour autant donc que ce pays accepte de jouer franc jeu, il peut offrir son expérience en partage avec les autres pays du Sahel africain.
Le salut de l’Afrique viendra beaucoup plus du savoir-faire de ses fils
La troisième et dernière chose de ce forum dont on peut se réjouir, est le fait d’avoir associé les organisations de la société civile à la réflexion, pour faire de l’Afrique un continent où règnent la paix et la sécurité. On le sait, les stratégies de guerre apprises dans les grandes écoles européennes, ont suffisamment apporté la preuve de leur inefficacité face au péril terroriste. De ce point de vue, des stratégies endogènes peuvent être expérimentées et les organisations de la société civile sont indiquées pour réfléchir sur des stratégies alternatives. Dans le même registre, on peut également capitaliser les travaux des experts et autres spécialistes du continent sur les questions sécuritaires et de paix. Car, et il ne faut pas se voiler la face, le salut de l’Afrique viendra beaucoup plus du savoir et du savoir-faire de ses fils et filles que de ceux des autres. On peut d’ailleurs se poser la question de savoir si les autres ont intérêt à ce que l’Afrique vienne à bout du terrorisme pour enfin se consacrer uniquement aux questions de son indépendance et de son développement. En tout cas, on a des raisons d’être dubitatif. La France, par exemple, dont le Premier ministre est présent à ce forum, a probablement des motivations inavouées. On peut la soupçonner d’avoir fait le déplacement de Dakar à l’effet notamment de réduire le sentiment anti-français qui est en train de gagner presque toutes ses anciennes colonies d’Afrique. La restitution, au Sénégal, du fameux sabre de El hadj Omar Tall, peut être décryptée dans ce sens, même si la restitution des objets culturels africains est une des promesses faites au continent, par l’actuel locataire du palais de l’Elysée. En tout cas, les participants à ce forum ne doivent pas perdre de vue que les Africains sont lassés des fora sur la paix et la sécurité en Afrique. Ce qu’ils veulent désormais, ce sont des stratégies concrètes, efficaces et opérationnelles pour casser du terroriste, et cela dans les meilleurs délais.