L'affaire présumée d'une femme offerte comme dot lors d'un mariage, le mois dernier, en Mauritanie, relance le débat sur l'esclavage, officiellement aboli dans le pays depuis 1981.
Moima, une femme noire de l’ethnie des Haratines, aurait été offerte comme dot lors d'un mariage, le mois dernier, dans la ville mauritanienne d’Ouadane, selon l'ONG SOS Esclaves et des médias locaux, cités par Courrier international.
La Commission nationale des droits de l’homme, proche du pouvoir, a beau démentir les événements, l'organisation SOS Esclaves s'est défendue lors une conférence de presse, le 6 avril, détaillant avec précision "les faits, leur date et toutes les personnes impliquées dans l’affaire […] de Moima, une esclave offerte en dot, conformément à la pratique courante dans la contrée", peut-on lire sur le site du Calame, un hebdomadaire indépendant.
Le président l'ONG, Boubacar Ould Messaoud, lui-même descendant d'esclaves, s’est dit "déterminé à poursuivre le combat contre ces pratiques" qui existent, selon lui, "dans toute la société mauritanienne", rapporte RFI. "Nous n’avons pas peur d’aller contre les […] esclavagistes. Quand on en trouve, on les dénonce. Le cas de Ouadane est très clair."
En Mauritanie, l'esclavage est officiellement aboli depuis 1981
Comme nous le rappelons dans un grand reportage sur la Mauritanie, paru ce mois-ci dans GEO, l’esclavage, officiellement aboli en 1981, n’a été reconnu dans ce pays comme un crime contre l’humanité que depuis une loi de 2015, qui rend possible sa répression, notamment grâce à des tribunaux spécialisés.
En 2018, deux individus à Nouadhibou ont écopé de dix et vingt ans de prison pour "pratiques esclavagistes". Deux ans plus tôt, un autre procès avait condamné deux personnes à cinq ans de réclusion, une grande première. Mais les organisations internationales de défense des droits de l’homme accusent le pays de "déni" face à la persistance de cette pratique, justifiée par le Coran et la charia.
Selon l’indice Global Slavery, en 2018, 2 % de la population mauritanienne, soit 90 000 personnes, seraient encore victimes de la traite. Et les descendants d’esclaves ou les affranchis, soit 20 % de la population, presque exclusivement des Noirs dans cet Etat où les peaux peuvent aussi être claires, restent discriminés et marginalisés : ils ne disposent en général pas de documents d’état civil et n’ont souvent pas accès à une éducation, un salaire, la propriété ou aux soins médicaux.