Il en faut de la conviction pour dénoncer les violations des droits humains dans son pays quand ceux qui tiennent tous les leviers du pouvoir annoncent une nouvelle ère favorable à la liberté d’expression. Mais ils se gardent bien d’autoriser une ONG anti-esclavagiste reconnue par les plus hautes instances internationales pour son sérieux et ses méthodes pacifiques, ils arrêtent des militants des droits humains qui osent, chez eux, parler de politique. Ils s’empressent enfin de susciter un lynchage médiatique de celui qui ose dénoncer l’organisation d’une société qui, de fait, discrimine systématiquement certaines communautés nationales.
Il en faut de la détermination, après quatre emprisonnements injustes, pour continuer à agir au quotidien grâce à un engagement sans faille dans son pays à tous les niveaux, auprès des plus défavorisés, pour les aider à comprendre le système qui les opprime, pour leur proposer des actions pacifiques de protestation quand les lois sont bafouées et pour leur donner des raisons d’espérer dans une société plus juste et fraternelle.
Il en faut de la responsabilité, alors que les forces de l’ordre se positionnent dans Nouakchott l’été dernier, après la proclamation prématurée de résultats controversés aux élections présidentielles, pour reconnaître la victoire de son adversaire et appeler au calme tous ceux qui souhaitaient exprimer leur colère dans la rue face à ce nouveau déni de démocratie, bien vite soutenu par quelques gouvernements occidentaux fort mal inspirés.
Il en faut de l’abnégation pour poursuivre le combat contre l’esclavage et le racisme d’Etat alors que le pouvoir mauritanien promulgue des lois contre l’esclavage, crée des tribunaux spéciaux contre l’esclavage salués par la communauté internationale et organise l’impossibilité de fonctionnement de ces tribunaux en évitant de leur transférer le moindre dossier. Les Etats-Unis qui ont sanctionné financièrement la Mauritanie pour non-respect des droits humains s’en sont émus et demandent des progrès dans cette direction : il est vrai que leur histoire douloureuse peut en faire des partenaires exigeants sur le sujet.
Il en faut de l’énergie pour prendre au mot le pouvoir mauritanien qui dit vouloir organiser un dialogue national avec l’opposition, écoute certaines revendications et demande ensuite de toujours croire en sa bonne volonté alors que perdurent des fonctionnements inacceptables et que tardent des décisions montrant une évolution vers plus de démocratie et de justice sociale.
Oui, il en faut du courage pour tout cela ! Et c’est bien ce qu’ont reconnu toutes les ONG organisatrices du 12ième Sommet de Genève pour la Démocratie et les Droits de l’Homme le 18 février dernier en décernant à Biram Dah Abeid le Prix du Courage 2020.
Et quand on a ce courage-là, alors bien sûr on dénonce inlassablement la persistance de l’esclavage par ascendance, et à partir de situations récentes que personne ne peut démentir, on rappelle que maintenant en Mauritanie, les victimes d’esclavage mineures sont reconduites chez leur maître quand elles s’enfuient, avec la complicité de la police et de la justice qui se garderont bien d’inquiéter les maîtres. Mais pour le Président de la CNDH, qui devrait être le premier à les dénoncer, « l’apartheid et l’esclavage sont des choses dépassées » en Mauritanie. On nous explique par ailleurs que la justice ne reçoit pas ses ordres du pouvoir. Voilà donc bien un domaine dans lequel les mauvaises habitudes de la décennie passée ont pu être vite corrigées !
Quand on a ce courage-là, on met aussi ses compatriotes et les autorités de son pays devant la réalité du fonctionnement de la société mauritanienne. Malgré des lois garantissant l’égalité des citoyens, cette société accepte que des communautés vivent séparées, en évitant soigneusement aux populations noires l’accès à un minimum de développement et de justice sociale, un résultat bien proche de celui obtenu par des lois iniques dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. Et comme le sujet n’intéresse pas la classe politique nationale quand on en parle pendant la campagne présidentielle, on le dit à l’étranger : cela semble inciter des personnes ayant intérêt au statu quo et le pouvoir à réagir très vite et à susciter l’organisation d’une polémique violente. Telle n’est pas l’image du pays qu’il faudrait donner à la communauté internationale ... mais cette fois, le débat est lancé ! Et on aura bien du mal à trouver dans les décisions prises en Conseil des Ministres depuis plusieurs mois des exemples envoyant des signaux de la prise de conscience de l’injustice faite à une partie de la population et de la volonté politique d’une action déterminée pour corriger ces injustices héritées du passé. Il y a bien là pourtant un grave “préjudice à l’unité nationale et à la cohésion sociale”.
Les associations constituant le Réseau des IRA en Europe
- demandent aux autorités mauritaniennes de mettre en oeuvre rapidement des mesures montrant leur volonté réelle d’ouverture démocratique, en particulier dans le domaine de l’esclavage et des discriminations raciales ;
- dénoncent les attaques violentes formulées contre Biram Dah Abeid et demandent aux autorités mauritaniennes de respecter et faire respecter le principe démocratique garantissant à un opposant et à un élu du peuple la liberté d’expression et la sécurité ;
- demandent aux autorités mauritaniennes, au nom du respect des droits humains, la reconnaissance d’IRA-Mauritanie qui ne cesse de vouloir faire appliquer les lois de son pays sur l’abolition de l’esclavage.
Le 24:02:2020
IRA France-Mauritanie, IRA Pays-Bas, IRA Italie, IRA Allemagne et IRA Espagne