Message du CCME aux candidats a l’élection présidentielle de 2024 en Mauritanie

ven, 28/06/2024 - 16:33

Le 12 juin 2019, à la faveur d’un appel citoyen notifié par lettre à chacun des candidats d’alors, le Collectif des Cadres Mauritaniens Expatriés (CCME) leur soumettait un document intitulé « Pour un leadership courageux et visionnaire, au service de l’unité nationale et d’un développement inclusif ».

L’appel se voulait, pour le futur élu, une invitation à « rompre d’avec le conservatisme et le statu quo ». Dans sa substance, le texte résumait le Mémorandum sur l’unité nationale élaboré quelques mois plus tôt par le CCME, à l’attention de tous nos compatriotes et transmis au Gouvernement, via le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur (MAECME). La correspondance date du 31/12/2018. 

Ledit mémorandum a, du reste, fait l’objet d’une conférence-débat organisée à Nouakchott le 14 mars 2019 et qui a connu la participation d’un grand nombre d’acteurs politiques et de la société civile. Les analyses et échanges ont été centrés sur l’objectif de « construire un développement durable et équitable qui garantit la prospérité pour tout citoyen mauritanien, sans préjudice de son lieu de naissance ou de son appartenance communautaire ».

Des conclusions de l’événement, se dégageait l’appréhension que « Notre unité nationale souffre d’une fragilité évidente qui ne saurait échapper à l’observateur profane et, encore moins, à la vigilance des acteurs politiques nationaux, au premier rang desquels ceux qui aspirent à l’exercice de la fonction présidentielle ». 

Cependant, le CCME, soucieux de ne pas s’en tenir à la simple description d’un substrat dont la notoriété ne souffre la contestation, formulait, à l’endroit des candidats, une série de recommandations, assorties de priorités de la gouvernance, qualifiées de « majeures –voire existentielles ». A titre de rappel, la présente apostrophe les reproduit, avec quelques actualisations, tenant compte de certaines évolutions depuis lors (voir deux listes respectives de 8 et 9 recommandations).

Cinq années après ce travail de vigilance et de responsabilité, il importe de relever la pertinence et l’actualité du même constat, comme si chaque terme témoigne, encore, du cumul des dysfonctionnements et de la lenteur de certaines réformes. Bien entendu, par volonté de ne souscrire à l’abus de surenchère, nous sacrifions, ici, à un euphémisme que ne désavouent la courtoisie et la bienséance. Notre but ne consiste pas à choquer, ni prétendre à l’étalage d’un semblant d’autorité morale. Seul nous guide, en l’occurrence, le vœu de bien faire et d’apporter, de nouveau, une contribution à la prise permanente de conscience, au service de l’intérêt général.

Aussi, quelques semaines avant la convocation du collège électoral, le 29 juin 2024, tenons-nous à requérir la disponibilité individuelle des candidats ou de leurs équipes de campagne, à présenter leurs intentions, de façon claire et objective, face aux préoccupations déclinées plus haut.

Que la forme de la réaction escomptée soit l’écrit, l’entretien à tour de rôle ou l’échange contradictoire en public, le CCME, association apolitique et non- partisane, s’engage à organiser, avec l’ensemble des parties, les modalités pratiques qui conviendraient à chacune.

A cette fin, le Bureau exécutif se tient à leur disposition. Le CCME s’accorde la faculté de tenir l’opinion informée des suites que les entités pressenties réserveraient à notre ambition d’éclairer l’électeur. Pour mieux asseoir et raffermir la démocratie de la participation, nous préférons l’anticiper et favoriser le dialogue, plutôt que d’incliner aux facilités de l’anathème et de l’approximation.

Avec l’assurance de notre haute considération.

 

 

 

Liste 1 : Premier lot de recommandations

Distingués candidats,

Les recommandations (actualisées) se déclinent comme suit :

Apporter une réponse pérenne au passif humanitaire à travers la création d’une commission nationale Vérité, Justice et Réconciliation qui sera chargée de définir les différentes actions idoines susceptibles de résoudre définitivement ce problème. 

 

Promouvoir la concorde et l’entente entre tous, en veillant à la stricte application de la loi, pour que la pratique effective d’égalité devant la loi vienne rassurer, conforter et pacifier. Bref, une réforme profonde de la justice pour la garantie des droits de chaque citoyen.

 

Continuer à consolider la dernière réforme de l’éducation nationale de façon pragmatique, concertée et dépouillée d’idéologie. Cette réforme qui a instauré une initiation bilingue, unifiée et obligatoire, en arabe et en français devrait être encouragée pour permettre que ce tronc commun puisse conduire à la maîtrise des deux langues au terme du cycle secondaire ; le cycle primaire, comme l’a prévu la dernière réforme, doit rapidement intégrer l’enseignement des langues nationales, avec l’objectif de permettre à chaque enfant d’apprendre une langue nationale autre que sa langue maternelle.

 

Promulguer une reconnaissance des autres langues nationales comme langues officielles.

 

Intégrer un programme obligatoire d’initiation à la citoyenneté, non seulement à l’école, mais aussi à la fonction publique et dans les grandes entreprises parapubliques. Ce programme devrait (i) comporter un socle commun portant sur l’histoire nationale et le respect des symboles de l’État, (ii) imposer l’apprentissage d’au moins une seconde langue nationale à tous les fonctionnaires, et (iii) promouvoir l’initiation à la langue nationale la plus usitée dans le lieu d’affectation, pour les personnels de l’Etat appelés à interagir au quotidien avec les populations (administration territoriale, état civil, enseignants, personnels de santé, forces de sécurité notamment).

Aller vers une vraie et juste libéralisation des médias. Elle doit permettre une bonne représentativité de la diversité de la population mauritanienne et toutes les composantes nationales doivent y trouver leur compte. La préservation de la diversité nationale n’a pas de prix ; elle peut cependant avoir un coût qu’il faut accepter de payer.

 

Combattre, à travers l’application effective et ferme de la loi et les organes d’autorité de l’Etat, tous les actes, évènements et propos faisant l’apologie des stigmatisations basées sur les anciennes ségrégations sociales (castes), l’esclavagisme et le racisme.

 

Faire la promotion à tous les niveaux de l’école aux services de l’Etat, en passant par les organes d’information publique, des principes de l’égalité de tous devant la loi, et de la préservation de la cohésion nationale.

 

 

Liste 2 : Deuxième lot de recommandations

Distingués candidats,

Cet appel (et la première liste de recommandations) avait été volontairement centré sur la question de l’unité nationale. Le CCME est néanmoins conscient que cette problématique reste fortement corrélée à bien d’autres, aussi importantes pour le pays. Ces autres thématiques majeures, voire existentielles pour notre pays et nos concitoyens, ont pour noms :

L’urgence de s’attaquer de façon vigoureuse aux importantes faiblesses et carences en matière de gouvernance politique et économique, y compris des ressources naturelles, dont souffre tout mauritanien, quelle que soit son origine ;

Des orientations économiques éclairées et une gestion durable des ressources naturelles (agriculture, élevage, pêche, mines, énergie, etc.) basées sur la création de la valeur ajoutée et la création d’emplois à travers la transformation industrielle de ces ressources ;

L’impératif d’une plus grande cohésion nationale à travers la justice, l’égalité des citoyens et des chances ;

Une démocratie effective avec une réelle séparation des pouvoirs, un pluralisme politique ouvert, des élections transparentes et la liberté de la presse ;

La valorisation de nos ressources humaines par la promotion d’une éducation de qualité, la culture, la santé et l’emploi ;

Une organisation territoriale optimisée, permettant un découpage électoral équitable, la décentralisation et la gestion efficiente des collectivités ;

Une réforme foncière prenant en compte le droit aux populations autochtones à exploiter leurs terres ancestrales, et à être associées aux investissements dans leurs zones d’habitation ;

Une réforme du secteur agricole assurant la sécurité alimentaire pour les produits de base de consommation ; et

 La pratique de bonne gouvernance dans la gestion publique qui combat toute forme de corruption et de détournements des fonds publics.

 

Nouakchott, le 27 mai 2024

 Président du CCME