Il y a de cela plus de 1000 ans, il n’y avait sur cette terre mauritanienne ni Arabes ni Berbères, et un millénaire auparavant, il n’y avait non plus ni Bafours ni Soninkés et encore moins de Peuls et de Toucouleurs. Sans plafond, l’Histoire peut aller d’hier matin jusqu’à la chute d’Adam.
Le peuple mauritanien ne déroge pas à la règle, les composantes de son peuplement viennent chacune d’un horizon lointain, à une époque ou à une autre. Chacune est anciennement autre chose qu’une population ouest-africaine et sahélo-saharienne.
Donc, chaque ethnie vient de quelque part. La mise en place du peuplement de l’espace mauritanien n’est en aucune façon singulière.
Également, il n’existe aucune ethnie aux origines pures. Le caractère composite de tout peuple ou de toute Nation est indéniable. Si l’on creuse, par exemple, dans la généalogie de chaque Mauritanien, on aura une ruche ethnique, une carte génétique partant dans tous les sens vers tous les continents. C’est l’ordre naturel des choses ; les hommes bougent, rencontrent d’autres et se croisent pour donner une nouvelle société aux traits ethnoculturels distincts.
Les ethnies en Mauritanie ne font pas exception dans ce domaine: les Halpulaars sont majoritairement non peuls à l’origine ; les Soninkés et les Wolofs sont fortement métissés et les Maures sont forcément issus de plusieurs lignées.
Ailleurs, plus de la moitié des Français ne sont pas de souche française et les Américains sont amplement d’origine étrangère, il n’y a que les Indiens qui sont natifs du continent. Pour ce qui est de la Nation arabe, là encore c’est la mixité par excellence, on y compte en plus des Arabes, des Kurdes, des Phéniciens, des Perses, des Cananéens, des Araméens, des Berbères, des Noirs, etc.
La dernière vague : des Toucouleurs sénégalais :
La dernière tribu arrivée en Mauritanie n’était pas les Banî Hassân comme le répètent à profusion les Nationalistes Négro-mauritaniens, mais les Toucouleurs qui émigrèrent du Sénégal au cours de la seconde moitié du vingtième siècle et ils étaient plus importants en nombre que les tribus arabes venues du Maroc vers le XVème siècle.
Au début, le mouvement migratoire des Toucouleurs de la rive gauche du fleuve fut spontané et sans arrière-pensées ; la Mauritanie indépendante avait une jeune fonction publique à étoffer, des terres arables à cultiver, une longue côte maritime riche en poisson à pêcher, des gisements de fer et de cuivre à exploiter et d’innombrables chantiers immobiliers à pourvoir en main-d’œuvre qualifiée. C’était sans soucis, les frères sénégalais étaient là et ils étaient tout naturellement les bienvenus dans leur seconde Patrie. Mais un peu plus tard, le poids démographique devint un argument politique, et, la pagaille de l’état-civil national aidant, le flux s’accentua. Ainsi, de très nombreux ressortissants du Fouta, de l’autre rive, sénégalaise, traversèrent le fleuve pour se faire mauritaniens. Aujourd’hui, Ils forment l’essentiel du leadership des Flam, le gros de leurs bataillons ainsi que leur base électorale.
Ce n’est qu’avec le recensement biométrique que ce mouvement migratoire s’est plus ou moins estompé, non sans engendrer du tumulte provoqué par les ethno-communautaristes poulo-toucouleurs adhérents et sympathisants du mouvement « Ne touche pas à ma Nationalité ». C’est dire que l’immigration à partir de la sous-région ouest-africaine vers la Mauritanie postindépendance est une réalité indéniable ; en plus des Peuls et des Toucouleurs, il y avait eu aussi des Bambaras, des Soninkés, des Wolofs… chaque groupe grossissant les rangs des autochtones de son ethnie, des populations qui s’étaient fixées ici depuis des lustres.
Les Toucouleurs sont donc, avec les Peuls et d’autres ethnies, les habitants du Fouta. Historiquement « ils occupent la rive gauche du Sénégal entre Dagana et Bakel ».
Ils forment un sous-ensemble de la confédération ethnoculturelle fulanie, sans toutefois partager avec les Peuls ou Fulanis leurs origines ou leur genre de vie.
Les Toucouleurs se désignent par l’expression « ceux qui parlent peul » sans pour autant être peuls. Ils seraient venus du Haut Nil, selon Cheikh Anta Diop, et sont sédentaires et cultivateurs.
En 1776, ces Foutanqués menèrent la Révolution torodo, dirigée par Thierno Souleymane Bal : soulèvement provoqué par la domination des Maures, Brakna, Trarza, Oulad Nacer et Tachomcha, entre autres raisons. Kane Oumar explique :
En compulsant les documents d’archives je me suis rendu à l’évidence. La chute du régime des Dényankobé est le résultat de la mainmise maure sur les affaires du pays. Les guerres intestines entre les différents membres de la famille régnante ont été soutenues par alliance que chaque clan concluait avec une tribu ou une fraction maure. Quel que soit le vainqueur dans la compétition, le Maure est toujours présent dans le pays. La mainmise maure commencée bien avant le dernier quart du XVIIIème siècle. Nous pouvons prendre pour exemple le mouvement de Nasr El-Din qui aboutit dans le dernier quart du XVIIème siècle à la conquête effective non seulement du Futa-Toro mais du Walo et du Cayor par les troupes des Tashomsha.
En plus de l’immixtion maure dans les affaires intérieures du Fouta s’ajoute l’insupportable « Muudo Hormo ou tribut (5kg de mil par ménage et par an) que les populations du Foutapayaient aux Maures »
Après le succès des Toucouleurs contre les Dényankobés mais aussi contre les Maures OuladAbdallah et Oulad Nacer, c’est Thierno Abdel Kader Kane qui sera intronisé imam du nouvel État:
C’est peu après que ’Abdulkdder fut ainsi retourné chez lui que le cheikh Suleymân-Bal partit combattre les ’Ulad-Annaser âu Fori*, cherchant à venger Mahmûdu-Ali-Rasin, lequel était mort, après la fin de la guerre faite aux Ulâd-Abdalla, dans les circonstances suivantes : les’ Ulàd-Annàser (i) ayant pillé ses propriétés de Dulumddyi-Funèbe, Mahmadu ’Ali-Râsin était parti pour les défendre, et il fut blessé d’une flèche et mourut de cette blessure… Sa mort fut le motif de l’expédition du Fori’. Les ’Ulad-Annaserprécités habitaient en effet en cet endroit. Le cheikh Suleymdn-Bal partit avec les notables mentionnés plus haut et un grand nombre de gens des tribus ci-dessus énumérées, telles que celles du Ngenâr, etc., et ils tombèrent sur les ’Ulad-Annâser au Fori, – ceux-ci furent mis en déroute… Après cela ils retournèrent au Fûta du Tôro. Le cheikh, qui avait jusqu’alors dirigé l’expédition, en passa le commandement au commentateur du boggel Ahmadu-Samba. Les ’Ulâd-Annaser eurent alors le dessus sur l’armée du Fûta : le commentateur du boggel Ahmadu-Samba, natif de Dyàba, fut blessé, et mourut de sa blessure…
L’Al mamy Abdelkader Kane, pour ce qui est de sa filiation est : « fils de Hammadi fils de Alhadyi-Lamin fils de Mât fils de ’Abdullâhi fils de ’Âli, originaire de Damas par ses ascendants ».
Il serait cependant illusoire de croire qu’en matière de généalogie, qui est une science auxiliaire de l’histoire, tout est absolument vrai. Le professeur Abdel Wedoud O. Cheikh explique cette relativité par le fait que les sociétés produisent elles-mêmes « en bonne partie les visions « originaires » dont elles sont supposées tenir leurs « origines » ».
Aussitôt au commandement suprême, l’imam Kane, redoutable chef de guerre, décide d’aller combattre « les ’Ulad-Annaser en faisant l’expédition de Falo-Kôli, par laquelle il brisa leur puissance, puis il commença à prélever sur eux un impôt de capitation consistant en beaux chevaux et en ustensiles ingénieux. »
Les exploits guerriers ainsi enregistrés par le nouveau maître du Fouta contre les Dényankobéet contre les Maures ne mirent pas pour autant fin aux hostilités. L’Almamy Abel Kader Kane va devoir affronter de nouveau les Peuls et les Arabes coalisés contre lui. Suite à cette offensive, il cède « la partie orientale du Futa avec les terrains de la rive droite autour de Wali de Sange et de Padalal » aux Dényankobé.
Les Peuls :
Les Peuls étaient des envahisseurs guerriers venus de la Corne de l’Afrique, « du Nord ou de l’Est et surtout du Nord-Est ». Ils se composent de familles sérères, wolofs, mandingues, berbères, arabes et d’autres encore. C’est une ethnie aux origines hétérogènes. Ils se divisent en Peuls rouges et en Peuls noirs. Les Noirs sont des Soudaniens et les rouges seraient des Arabes selon plusieurs témoignages d’auteurs qualifiés : El-Bekri, écrit au XIe siècle :
« Dans le royaume de Ghana, on trouve une peuplade nommé El-Honehîn, qui a pour ancêtres les soldats que les Omeïades envoyèrent contre Ghana, dans les premiers temps de l’islamisme. Elle suit la religion du peuple de Ghana ; mais ses membres ne contractent jamais de mariage avec les nègres. Ils ont le teint blanc et une belle figure. On trouve aussi quelques hommes de cette race à Sala où on la désigne sous le nom d’El-Faman. » (1859, p. 391 ; voir Monteil, 1911, p. 8.)
Sur la base de ce récit, Charles Monteil écrit : « ce sont ces soldats de l’an 739, venus d’Afrique du Nord, et dont, plus de trois siècles plus tard, les descendants se distinguaient encore, que nous tenons pour une des branches principales des ancêtres des Peuls Rouges du Soudan Occidental ».
Au Fouta avaient existé, de 800 à 1285 de notre ère, le royaume du Tékrour, puis du FoutaToro. La dernière dynastie ayant régné sur le territoire est celle des Dényankobé fondée vers le milieu du XVIe par le prince guerrier peul Koli Tenguella (Tenguella, « ce n’était pas le père de Koli, mais seulement son père nourricier, sans contestation possible »)
Les Chroniques du Fouta Sénégalais, deux manuscrits rédigés en arabe par Siré-Abbas-Soh et traduits par Maurice Delafosse, donne la provenance du prince yéménite Koli : « Ensuite arriva Koli, fils du roi du Manden Sundyata fils de Mohammadu fils de Kinânata, d’origine himyarite ; sa mère était Fûta-Gay fille de Sigâni-Makam (i). Son ancêtre Kinânatal’Himyarite était parti de l’Orient et venu dans le pays du Manden, accompagné de vingt mille guerriers… »
La dynastie dényankobé prit fin suite à la révolution des Marabouts toucouleurs. Cependant, ce n’était pas Thierno Souleymane Bal qui introduisit l’Islam au niveau de leur cour princière mais un Maure, « un chérif appelé Abdallahi fils de Maghfar ».
Les Banî Hassane :
Pour Léon Faidherbe, premier gouverneur du Sénégal, les peuples se divisent en deux groupes : les conquérants et les conquis ». Et les Banî Hassane étaient des conquérants comme les Peuls.
Les Banî Hassane sont en effet un ensemble tribal maghil originaire de la péninsule arabique, présent au Maghreb depuis l’arrivée des Banî Hilal en Afrique du Nord. Certains généalogistes comme Ibn Khaldoun les rattachent aux Arabes du Yémen, d’autres comme l’historien marocain Ahmed Khaled Anaçeri, auteur de Talaat Almouchtari, leur donne une filiation hachémite : Hassan, l’ancêtre éponyme, est Ben Moktar, Ben M’hammed, Ben Maghil, Ben Moussa Al Harraj, Ben Jaafar Al Emir, Ben Ibrahim Al Arbi, Ben Mohamed Al-jaouad, Ben Ali Azzeinabi, Ben Abdallah, Ben Jaafar Attayiar Ben Ebi Taleb.
Dans les deux cas, l’arabité des Banî Hassân est unanimement établie.
Ce flux migratoire de tradition guerrière appartient à la deuxième vague venue d’Arabie en Égypte. Leur mouvement va traverser la Tunisie, la Libye, l’Algérie et le Maroc sur quelques siècles pour se ramifier en Afrique de l’Ouest : la Mauritanie, l’Azawad, le Niger et le Tchad.
La toute première présence arabe sur le territoire mauritanien date du début du XIVe siècle avec les Oulad Rizg suivis par les Banî Hassân vivant jusqu’ici dans la Saghié Al hamra. Le colonel Modat écrit : « Les divers auteurs Ibn Khaldoun, Léon l’Africain, Marmol (XVe et XVIe siècle) nous signalent la présence dans le Sud marocain des Ouled Dleim, OuledBerbich et Oudaïa. Ces diverses fractions appartenaient à la tribu des Banî Hassân. (DottiHassane), de la famille Maghil. Et d’ajouter : « dès les premières années du XVIe siècle, Jean l’Africain nous dit que les Oudaia perçoivent un tribut à Ouadane et Oualata »
Selon Ibn Khaldoun, à cette époque « les Oulad Dleim étaient encore dans la région côtière du Sud marocain… les Brabiches n’avaient pas encore dépassé le Souss, alors que les Oudayaavaient déjà pris pied dans la région de Ouadane.
Au Maroc, la dernière étape de leur parcours depuis l’Arabie, les tribus issues d’Oudei Ben Hassân se désignent par Oudaya, pluriel d’Oudei, et elles comprennent, entre autres subdivisions, Ereha, Ehel Souss, Almaghafira, et Oudaya « qui vivaient au début du XIIème siècle dans le triangle Molouia-Taza-Rif . Les Oudaya étaient la pépinière de la Garde Royale des Sultans marocains, ainsi ils étaient des faiseurs de rois. Le Sultan Moulay Ismail, en bon stratège, contracta une relation matrimoniale stratégique avec les Maghafra. En épousant la princesse Khnatha Bent Bakar de l’Émirat du Brakna, le Sultan s’était appuyé par ce moyen « sur le solide corps de l’Armée des Oudaya, issu de sa confédération tribale. En Mauritanie, les Banî Hassân renferment toutes les descendances d’Oudei Ould Hassân ainsi que de ses frères Dleim et Hamma comme le montre l’arbre généalogique suivant
En établissant de puissants émirats comme ceux de l’Adrar, du Trarza, et du Brakna à côté de très nombreuses chefferies tribales s’étalant du Tiris aux Hodhs telles que celles des OuladMbarek, des Oulad Daoud et des Ould Nacer aux Hodhs, ainsi que celle des Ould Dleim dans la région du Tiris ; les Banî Hassanes avaient pu garder le territoire mauritanien sous leur contrôle pendant des siècles avant de le perdre avec la Pénétration française au pays des Maures à la fin du XIXe siècle.
Les Sanhadja :
Les Sanhadja étaient venus du Nord eux aussi. Selon certains généalogistes maghrébins, Ḥimyar serait l’ancêtre des Sanhadja (Ṣanhāja).
En ce qui concerne les origines des Sanhadja, le Professeur Maya Shatzmiller de la Royal Society of Canada a fait le tour de cette question et résume ici les différentes hypothèses pour aller dans le sens de l’origine yéménite ancienne des Sanhadja :
Ibn al-Kalbi : « … Les tribus des Ketama et des Sanhadja n’appartiennent pas à la race berbère : ce sont des branches de la population yéménite qu’Ifricos Ibn Saifi établit en Ifrikia avec les troupes qu’il y laissa pour garder le pays » (7). Ibn Khurdâdhbih : « … La Patrie des Berbères était la Palestine dont le roi était Jalut (Goliath). Quand celui-ci fut tué par David – qu’Allah le Banî sse – les Berbères émigrèrent au Maghreb ». Ibn ’Abd al-Hakam : « … Les Berbères étaient en Palestine. Leur roi Jalut fut mis à mort par David, Dieu le sauve ; ils émigrèrent vers le Maghreb… ». Ibn Qutayba : « … Le Jalut en question se nommait Ouennour, fils de Hermel, fils de… fils de Madghis el-Abter ». Al-Tabari : « … Les Berbères sont un mélange de Cananéens et d’Amalécites qui s’étaient répandus dans divers pays après que Goliath eût été tué ; Ifricos ayant envahi le Maghreb les y transporta des côtes de Syrie et, les ayant établis en Ifrikiya, il les nomma Berbères ». Ibn Hawqal : « … A part des exceptions insignifiantes, ces Berbères descendent, dans l’ensemble, de Goliath… Les spécialistes de leur généalogie, de leur histoire et de leurs traditions ont disparu. D’un certain nombre d’entre-eux, nous avons recueilli des informations que nous avons notées… ». Al-Souli : « … Il descend des Berbères, fils de Kasloudjim fils de Mesraim fils de Champ ». Al-Mas’ûdi : « … Ce sont des débris de Ghassanides et autres tribus qui se dispersèrent à la suite du torrent d’Arim. Dans l’ensemble, il s’agit de trois filiations : la première, qui est la plus fréquente, proclame les Berbères originaires de Palestine, chassés au Maghreb après la mort de Jalut qui appartenait à la tribu Arabe de Mudar. La deuxième voit les Berbères comme des descendants de Cham fils de Noé, nés au Maghreb après l’exil de celui-ci. La troisième accorde à plusieurs tribus berbères une origine himyarite Sud-arabique. Une version légèrement différente de ces filiations figure dans le Kitâb al-ansâb.
C’est cette tribu originaire de l’Adrar qui fonda vers le milieu du XIe siècle sous l’impulsion du prédicateur Abdullah Ibn Yassin le mouvement almoravide à l’origine d’un grand empire musulman incluant Aoudaghost. Ibn Yacine d’après Roger Le Tourneau « pourrait avoir joué un rôle important dans la diffusion de l’Islam et de la langue arabe à la lisière du pays noir ».
Le chef du mouvement almoravide fut Yaḥya ibn Omar Al lamtouni, secondé par son frère Abou Bakr, et avait pour cadi le Yéménite (de Hadramout) l’imâm al-Hadrami
Les Sanhadja fondèrent également l’Empire du Wagdou au VIIe siècle, plus connu sous le nom de l’empire du Ghana. Les Soninkés contrôlèrent cet empire du VIIIe au IXe siècle avant de le perdre au profit des Almoravides.
L’émirat des Idaouich fondé en 1778 est issu de cet ensemble.
Le sous-ensemble maure ou beïdane est humainement et culturellement homogène, il n’est plus qu’un et son unité « réside essentiellement dans la fusion entre Sanhadja et Hassanes », un brassage consolidé par « l’adoption d’un même parler, l’arabe, et d’institutions sociales communes où entrèrent les apports des uns et des autres et d’où a émergé progressivement le type du Saharien de Chinguiti, engagé dans une civilisation du désert façonnée par l’islam ».
Les Soninkés :
Les descendants de Dinga sont, selon la tradition orale de l’ethnie, soit des Yéménites anciens (Yamaninké) ou soit des Égyptiens anciens (Assouanik) venant d’Assouan :
La première : dans leur ouvrage intitulé L’Empire du Ghana, le Wagadu et les traditions du Yéréré, Germaine Diterlen et Diara Sylla rappellent que « Dinga, ancêtre mythique des Soninkés, dit Kare(ancien, patriarche) est né en Égypte à Sonna, nom que les Soninkés donnaient à Assouan », d’où le nom Aswanik, donné aux Soninké. En Égypte il appartiendrait à la noblesse et était l’un des lieutenants du pharaon. Ainsi, selon cette thèse, les Soninkés seraient originaires de la Haute Égypte, de la région de Sonni. Ainsi, le terme Soninké signifierait habitant de Sonni.
La deuxième : la tradition orale rapportée par les griots nous apprend qu’un homme nommé Yougou Khassé Dinga, ancêtre des Soninkés venait de l’Asie. Les Guessérésou griots soninkés précisent qu’il était Yéménite. « Dinga Yamaninké », chantent-ils. Ils vont plus loin dans leurs narrations, quand ils proclament : « Bienvenu à Dinga de l’Inde ! Bonne arrivée à Dingadu Yémen ! Soit le bienvenu, Dinga de Louti ! (Loth) ». Selon les récits soninkés, il serait originaire de l’Inde (Hindi). Mais sa ville natale était Assouan (Choua ou Sonan) en Egypte. Dans cette ville, Dingaaurait régné avec le titre de Manga (Maghan).Il était Lieutenant d’un Pharaon. Après avoir séjourné au Yémen, puis à la Mecque, le patriarche Mama Dingase rendit à Djenné-Jéno (le site ancien de Djenné situé à deux kilomètres au Nord-est de la ville actuelle). Là, il maria une femme et vécut avec elle vingt-six ans sans avoir d’enfant. S’agit-il de Tafé Marcoussi ? Dinga transféra ensuite à Dia et épousa Assokhoulé Souloro qui lui donna trois enfants. Après avoir contracté trois autres mariages, il mourut près de la mare de Diokha.
Les Bafours :
Le dernier peuple historique et probablement l’un des tous premiers que les historiens abordent quand il s’agit de faire la genèse de l’occupation ancienne de la Mauritanie est l’ethnie bafour, mais aujourd’hui plus personne ne s’en réclame, car vaincue par les Sanhadja, puis évanouie dans les autres ethnies du pays et de la sous-région.
Les Bafours étaient-ils une population négroïde ou non ?
Les historiens sont divisés sur la question, la plupart les donnent blancs et le professeur Abdel Wedoud Ould Cheikh nous rapporte qu’ils ne seraient pas de religion musulmane d’après la culture orale beïdane alors que Pierre Bonte les considère musulmans de rite kharijite ayant embrassé cette foi avant « l’hégémonie exclusive du sunnisme mâlikite au Sahara Occidental ».
Les Wolofs :
Enfin, viennent les Wolofs, une des composantes de la population mauritanienne, une ethnie majoritaire au Sénégal voisin, où leur langue et leur culture dominent. Cette communauté viendrait du Bassin du Nil et c’est l’anthropologue Anta Diop qui le soutient . Ils sont les fondateurs du royaume du Walo « devenu un État féodal distinct dans la seconde moitié du XVIe siècle, se dégageant lentement de sa vassalité envers le Dyolof.
Enfin, il faut dire que de nos jours, l’immigration bat son plein, du Sud au Nord, mais aussi du Nord au Nord et du Sud au Sud. Et aucune ethnie n’a jamais gardé sa place, toujours et totalement, également l’antériorité de l’une par rapport à l’autre est un interminable voyage dans les méandres de l’Histoire.
Peut-on ignorer alors, dans cet ordre d’idées, que c’était Christophe Colomb qui avait découvert le « Nouveau Monde » en octobre 1492. C’était six siècles après les premiers récits de l’existence des Sanhadja en Adrar mauritanien, encore que les Sanhadja pourraient y avoir existé bien avant, mais les historiens n’abordent l’Histoire de la Mauritanie qu’à partir du IXème siècle. Toujours est-il que quand les Sanhadja pénétrèrent dans l’Adrar, ils n’avaient trouvé devant eux que les Bafours et personne d’autre, surtout pas les Halpulars dont la confédération ethnique naîtra plus tard, quand les Peuls et les Tekrour firent fusion.
Ely Ould Sneiba