Il n’est certes pas donné à tout le monde de lancer un cri du cœur en Mauritanie, tellement que les pressions, les menaces policières et souvent la crainte de se faire priver simplement de ces droits élémentaires ; mêmes ceux qui sont inscrits dans la loi fondamentale ; qui est la constitution du pays. Il n’est pas facile de pouvoir indexer ou tirer à boulets rouges sur nos autorités sans être inquiété, accusé à tort, emprisonné à tort voire privés d’emploi tous ceux qui se servent de leurs plumes ou de leurs voix pour stigmatiser et pointer du doigt certains mécanismes et dysfonctionnements de l’État.
Comme tout Mauritanien épris de paix et de justice, j’ai été choqué par l’allure et les tournures de l’insécurité qui prévaut actuellement à Nouadhibou et dans la capitale à Nouakchott. En terre d’Islam en plein mois de Ramadan, nous avons remarqué à ce début du mois d’avril 2021 des hordes de jeunes en bandes organisées, des hors la loi; s’attaquer aux citoyens paisibles dans les quartiers populaires de Nouakchott et de Nouadhibou, ces bandes insaisissables attaquent avec des armes blanches, effectuent des vols à la tire, des cambriolages, des viols voire des meurtres dans certains cas, notamment à Nouadhibou où deux citoyens ont été tués dans la nuit du vendredi 23 avril 2021 sous le regard impuissant et médusé de nos autorités, incapables d’y mettre fin.
Au moment où, je lance mon cri d’alarme, l’insécurité a atteint son paroxysme et au quotidien les populations souvent les plus fragiles, les plus vulnérables sont caillassées, violées, cambriolées, martyrisées et ne savent à quel saint se vouer. Pourtant les réseaux sociaux ont brillamment relayé le cri et les angoisses des populations mais nos forces de sécurité et de l’ordre vaquent à leurs promenades de santé quotidienne dans l’indifférence et le mépris total des citoyens.
Après une longue réflexion et analyse de la situation sur l’insécurité, en tant que citoyen ; soucieux du devenir de mon pays, je tiens, comme seules responsables nos autorités et plus précisément nos forces de l’ordre et de sécurité. Faut-il commencer par celle qui est routière, ou de notre administration dans son fonctionnement partisan entre les citoyens dans la gestion de l’État, dans l’inégalité entre les diversités face à notre justice inféodée au pouvoir ? Non je reviendrai très prochainement sur ces questions plus amplement et en détails pour éviter les surcharges sur l’insécurité qui mine notre pays et plombe tout développement immédiat.
1/ Mon accusation aux autorités n’est point un secret de polichinelle, je ne pourrai faire l’inventaire des manquements observés dans certains domaines qui sont aujourd’hui les principaux facteurs de l’insécurité en Mauritanie.
A/ L’éducation nationale au rabais où les jeunes ne reçoivent plus une bonne éducation ni un bon apprentissage ou formation professionnelle pour accéder à une vie professionnelle décente et pourtant, le génie, les ressources humaines et les moyens ne font guère défaut pour y arriver mais la volonté politique consiste à saper cette institution qui est la pièce maitresse de tout développement humain. Selon le rapport de la banque mondiale la Mauritanie n’est pas tirée d’affaire, elle figure à la 150ème place des 157 pays classés par la banque mondiale selon l’indice du capital humain. Faut-il alors laisser notre système éducatif en l’état si ce n’est, gonfler, la délinquance et l’insécurité dans nos rues ?
B/ L’enrôlement raciste et discriminatoire qui priverait des milliers de Mauritaniens de leurs pièces d’état civils, empêchent de nos jours beaucoup de Mauritaniens, notamment ceux issus du Sud Mauritanien et des Haratines d’accéder aux concours, à l’emploi et tous leurs avenirs et entreprenariats dans ce pays semblent compromis. La jeunesse privée de documents d’état civil, de voyage, de scolarisation d’où la multiplication et l’intensification de terreaux d’insécurité par le ras le bol dont ; seul l’État entretient dans sa gestion chaotique ségrégationniste et arbitraire entre les couches nationales de la Mauritanie.
Un opposant, M. Biram Ould Dah Ould Abeid, lors de sa récente conférence de presse du 29 Mars 2021 disait ceci << Beaucoup de malades viennent dans les hôpitaux et ne peuvent pas bénéficier de soins nationaux gratuits parce qu’ils n’ont pas de pièce d’état civil<<. L’état Mauritanien, n’est-il pas responsable de cette situation d’apatride de paisibles citoyens contraints aujourd’hui pour certains malheureusement de gonfler les rues et de s’adonner à des choses illicites ? Sans tergiversation aucune, sans langue de bois, les autorités de mon pays sont les seules et uniques responsables de ces violences, de ces insécurités et de ses misères dans une période pandémique où les états se préoccupent de la santé, de l’éducation, de l’alimentation et de nombreux défis sociaux, le nôtre joue à opposer les Mauritaniens les uns contre les autres par des méthodes peu orthodoxes ou idéologiques.
C/ L’expropriation des terres de la vallée, un autre registre accentué et accéléré ces derniers temps pour plus de paupérisation des populations et voilà ; l’insécurité et les violences se pointent à l’horizon car le sud se préparerait à réagir vigoureusement contre les agrobusiness qui, avec la complicité des pouvoirs publics voudraient se hasarder à fouler ces zones cultivables pour simplement les priver de toute vie et celle de leurs progénitures.
L’exemple de Darel Barka dans le sud du pays est assez édifiant sur l’incohérence et l’insouciance de notre État dont la voyoucratie s’apparente réelle.
Il fut attribué 3200 hectares à l’autorité arabe pour l’investissement et le développement agricole (AAAID) sous le règne du Général Mohamed Ould Abdel Aziz sans concertation avec les autochtones et sans aucune considération de leur futur ; devenir ou sort, ce qui signifie tout simplement que c’est une violence de l’État vis à vis de ces populations qui n’ont de ressources que leurs terres et bétails dans ces superficies de culture et d’élevage.
Le Président Mohamed Ould Cheikh Ould Ghazwani comme son prédécesseur avait commencé à danser sur les œufs avant de se rétracter ou du moins réviser sa copie face à la détermination et l’obstination des villageois. L’AAAID était alors prête au défrichage de ces terres ; un préalable immédiat à leur exploitation à grande échelle , puis les habitants héroïques du village se sont mobilisés malgré les pressions et les renforts contre tout accaparement de leurs terres par une agence venant d’ ailleurs sans même leur consentement ; tenez-vous bien, l’AAAID est créée en 1976 au Soudan et a pour objectif de contribuer à la sécurité alimentaire du monde Arabe, cette agence est dotée d’un capital de 1,1 Milliard de Dollar. Face à cette situation, alors en quoi notre pays la Mauritanie, un pays pauvre peut-elle se permettre de démunir d’avantage ces populations au profit de la sécurité alimentaire outre atlantique ? N’est-il pas encore une fois, en train de créer de l’insécurité, des injustices, des violences et des misères ?
Je pourrai passer à démontrer le pourquoi de mon accusation par d’autres exemples concrets vécus et subis en Mauritanie malgré les intimidations, j’ai décidé de ne plus me taire, trop c’est trop et notre république est sous perfusions, nous devons panser ces nombreuses plaies, osons les diagnostiquer. Je m’associerai aux bonnes volontés et à tous ceux qui sont soucieux de l’avenir arc en ciel de ce pays pour relever les défis, pour l’instant celle de l’insécurité prend des proportions dangereuses et inquiétantes. Faut-il croire à nos dirigeants pour leurs solutions immédiates ? Eux qui en sont les pyromanes, les principaux planificateurs de ces insécurités précitées, j’ai beaucoup alors de doutes quant à leurs capacités de nous tirer vers le haut.
Citoyens Mauritaniens aidez-moi à comprendre et aidons-nous à trouver les solutions qui rongent notre pays.
Cheikhna DIAKITE KABA
Laxou, le 29 avril 2021
Al Akhbar, 01 mai 2021