Document historique "Hartani, mon frère", publié par le Président Messaoud Ould Belkheir,

lun, 25/11/2019 - 09:28

A toute fin utile, vous trouverez ci-après la version sans coquilles et corrigée du mythique tract du mouvement El Hor publié à la suite de la prise du pouvoir par le C.M.R.N en juillet 1978.

Ce document est encore d'actualité et n'a pas perdu une seule virgule (ride).

Le pays est aujourd'hui ( comme il l'était à la publication du tract en 1978) dirigé par des militaires sans envergure, des féodaux et des bourgeois sans vergogne, des opportunites retors, des islamistes sans foi, une flopée de cadres et de lettrés sans loi, ... 

Ce pendant,  les Haratine restent la majorité des exclus, confinées dans les bidonvilles, divisés et écartelés entre les tribus et les partis "cartables"... L'élite Haratine reste incapable de s'unir autours d'un projet politique pour sortir leur communauté de la dépendance des anciens maitres. La Jeunesse Haratine, faute de perspective, reste désorientée, perdue, désespérée,...

Le document HARTANI mon frère avait été une initiative produite et distribuée à Nouakchott par le Président Messaoud Ould Belkheir, à la suite de prise de pouvoir en juillet 1978 par le C. M. R. N.
Puis, il en informa la direction du mouvement El Hor qui salua et approuva cette salutataire action en cette période d'incertitude...la guerre avec son lot de mort, une économie en faillite, une junte sans expérience politique, un peuple désemparé par des dissentions sociales...
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HARTANI, mon frère
L’étape historique que traverse actuellement ton pays est suffisamment préoccupante, voire dangereusement explosive pour que tu continue de te taire et de te complaire dans le tragique anonymat que t’impose ta société car il est des situations où la passivité est un crime impardonnable et par la nation et par les Haratines.
C’est pourquoi je te convie à t’arrêter un moment pour faire d’une la genèse de ta situation personnelle à travers les soubresauts de la nation tout entière et, d’autre part, te déterminer de manière responsable vis à vis de ce qui paraît être un nouveau tournant.
Fruit des guerres, de la traite et du rapt tu constitue depuis siècles une bête de somme inhumainement et éhontément exploitée, l’oppression allant de soi… Troqué, légué, vendu, hérité, tu n’as été qu’une chose ou, au mieux, une machine bien rodée occasionnant les plus gros rendements contre d’insignifiants frais d’entretien. Pendant des siècles tu as vécu ‘’ scientifiquement ‘’ convaincu de ton infériorité ethnique ou même raciale, ne faisant rien contre cette situation, acceptant de souffrir, acceptant de mourir à la besogne et de faim ; durant des siècles,  tu t’es consumé sous le soleil et sur le sable brûlants pleurant et gémissant, créant des torrents de larmes et de sang que tes mains entravés ne pouvaient contenir. Ton destin  à sens unique, l’inexorable fatalité  était la souffrance, puis la mort.
L’Islam, religion de la charité, de la fraternité humaine, de la tolérance, de l’abnégation (ainsi du moins est-il défini par ses docteurs) n’atténue point ton fardeau. Consciemment détourné par la féodalité, il se retrouve à son service au lieu de lui servir de phare.
La colonisation ou ‘’civilisation Barbare’’ n’eut pas d’autre finalité. Instrument de  domination et d’oppression mais surtout de spoliation, elle avait vite compris que son intérêt était de se mettre du côté des forts contre les faibles, ce qu’elle fit, renforçant ainsi davantage la mainmise des féodaux sur toutes les couches dites ‘’inférieures’’.
Les nationalistes éclos à la fin de la seconde guerre mondiale se développèrent et s’amplifièrent sans aucune participation de ta part. Certes on ne saurait t’imputer la responsabilité d’une telle absence pour plusieurs raisons dont deux principales :
    1°) - L’instruction était alors l’apanage des classes privilégiées (féodalité et bourgeoisie naissante)
    2°) – Les rares élites, bercées par l’illusion d’une intégration complète aux oppresseurs avaient servilement accepté l’absurde alliance du cavalier et de sa monture.
Cette situation allait être celle qui caractérise les dix-huit années d’indépendance de la R.I.M. : Dix-huit années où le pays, confronté à d’interminables problèmes (réel ou imaginaires) ne fit l’unanimité qu’autour d’un seul point : les couches opprimées (et les plus opprimées d’entre elles, les esclaves) étaient systématiquement oubliées au profit de problèmes plus ‘’sérieux et plus urgents’’  comme s’il pouvait exister parmi les hommes quelque chose DE PLUS SACRÉ QUE LA LIBERTÉ.
Même les mouvements nationaux les plus progressistes (ils ont apporté beaucoup à ton cher pays) n’ont pas voulu tenir compte de cette vérité fondamentale.  Tu as donc, à juste titre, CRIÉ AU COMPLOT ORGANISÉ ET A LA TRAHISON …
Il est en effet paradoxal qu’après tant d’années dites d’indépendance ta liberté soit encore confisquée  et que tu sois absent  partout (Gouvernement, Parlement, Parti, Haute Administration) sauf au front c'est-à-dire la guerre où tu as à perdre et rien à gagner : une guerre dont tu constitue, en dernière analyse, la principale victime car il est un
fait qu’en affaiblissant tout le monde, la guerre affaiblit surtout les plus faibles.  Durant toutes ces années d’un régime anti-national, anti-populaire et féodal, tu as prêché dans le désert.
          CE RÉGIME VIENT HEUREUSEMENT DE PRENDRE FIN.
Sa chute constitue sans conteste une victoire du peuple tout en entier mais elle est surtout une victoire pour toi qui a été entretenu jusqu’à présent que de démagogie, de slogans creux et de plomb.
           N’empêche cependant que son action (inaction) a servi à radicaliser ta lutte, t’amenant petit à petit à transmettre tes contradiction internes et à te  hisser de ‘’ l’incapacité congénitale’’ à la pleine conscience de tes responsabilités. C’est pourquoi dans la campagne, dans les villes, sur les chantiers, dans les bureaux, sur les bancs tu te dresses vaillamment pour réagir contre les forces du mal, déterminé que tu es arracher la victoire finale.
Le tournant imprimé au pays depuis le 10 juillet par le Comité Militaire de Redressement National doit donc être SALUÉ ET ENCOURAGÉ.
                  Serait-ce dire que tous les espoirs sont permis ?
OUI, dans la mesure où le C.M.R.N est conscient (c’est lui-même qui le dit) de la situation catastrophique dans laquelle le précédent régime a plongé le pays et qu’il s’assigne pour objectif le redressement national.  Or le redressement national QUI PASSE NÉCESSAIREMENT PAR UNE SOLUTION A LA GUERRE est politique, économique et social. Ce  programme ambitieux et complet suscite partout des réactions favorables. Beaucoup de ces réactions sont cependant celles d’opportunistes toujours à l’affût et de féodaux-bourgeois toujours aussi empressés de confisquer le pouvoir en le détournant de ses orientations strictement nationales pour leurs intérêts égoïstes.
                C’est pourquoi nous mettrons le C.M.R.N en garde contre ces réactions anti nationales particulièrement  intéressées. Il doit comprendre la nécessité de rompre avec toutes les habitudes qui ont caractérisé l’ancien  régime et causé tant de mal au peuple.
               Ce que le peuple appelle de tous ses vœux c’est évidemment
*UNE ISSUE HONORABLE A LA GUERRE
* UNE JUSTICE ET UNE ÉGALITÉ SOCIALE RÉELLE
* LE REDRESSEMENT DE NOTRE ÉCONOMIE EN FAILLITE.
           Si le problème de la guerre et de la paix ne dépend pas uniquement de la Mauritanie et doit être envisagé sous tous ses aspects présents et futurs et demande par conséquent d’être analysé avec le maximum de sérieux et de prudence.
            Si l’économie, largement tributaire de la paix dans sous région et de la stabilité interne est par la force des choses condamnée à suivre le courant,
            Il y a que la justice et l’égalité sociale peuvent et doivent être recherchées et obtenues parallèlement aux efforts tendant à ramener la paix. En fait, tant la paix que l’économie dépendent du degré d’engagement et de patriotisme des Mauritaniens. Plus ils se sentiront unis et égaux et mieux ils seront disponibles pour le
redressement. Mais tant qu’une démarcation très nette n’est pas opérée par rapport à ce qui avait caractérisé le régime déchu nous vivrons ’’la continuité dans le changement’’.
            Aussi apparaît la nécessité pour le C.M.R.N de fonder son action sur des bases solides et populaires d’où l’importance de textes fondamentaux en perspective et du sérieux avec lequel sera choisie la Commission consultative chargée de les élaborer. Ainsi seulement la ‘’garantie des libertés collectives et individuelles’’ ne sera pas un vœu pieux.
              Quant au ‘’problème’’ religieux il est encourageant de constater que l’Islam, inféodé jusqu’ici par l’ancien régime, sera restauré par le C.M.R.N ‘’dans sa pureté, dans sa généralité, dans son don de soi, dans son ouverture et sa rigueur morale’’.
            Or il ne sera jamais ni pur ni généreux tant qu’on continuera à perpétrer en son nom la plus inique des conditions humaine : l’esclavage.
C’est pourquoi, cher frère, tu es convié à apporter ton FERME SOUTIEN AU C.M.R.N qui parait, dans son approche, s’intéresser à ton sort avec la volonté de lui trouver, enfin, la solution tant attendue.
            Puisses-tu ne pas être déçu une fois encore afin  que dans une Mauritanie paisible tu t’engages, libre de toute entrave, dans l’exaltante mission de redressement national que le C.M.R.N s’assigne pour mission.
           EN TOUT ÉTAT DE CAUSE LA VIGILANCE EST DE RIGUEUR.
VIVE LA LIBERTÉ POUR QUE VIVE LA R.I.M. ,  UNE ET INDIVISIBLE.
 
                                                                                                                                                        Ton frère.