Aminétou Mint Ely [au centre, munie d’un téléphone], présidente de l’Association des femmes chefs de famille, et l’équipe d’un centre d’appui aux femmes et filles survivantes de violences fondées sur le genre géré par cette association, Rosso, Mauritanie, le 7 février 2018. © 2018 Candy Ofime/Human Rights Watch
(Tunis) – Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani devrait accorder la priorité aux droits des femmes au cours de sa présidence, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans une lettre adressée au nouveau chef d’Etat. Il devrait en particulier prendre des mesures contre les seuils élevés de violences fondées sur le genre et veiller à donner aux victimes accès à la justice.
À l’issue de recherches approfondies sur le terrain en 2018 et 2019, Human Rights Watch a constaté que l’absence de lois strictes contre les violences fondées sur le genre et d’institutions prêtant assistance aux victimes, conjuguée aux pressions sociales et à la stigmatisation, dissuade des femmes et des filles de demander de l’aide et des recours en cas de mauvais traitements. Les soins médicaux et les services santé mentale fournis aux victimes sont insuffisants, de même que l’assistance juridique, et il revient ainsi aux organisations non gouvernementales de pallier ces lacunes dans la mesure de leurs moyens limités. En outre, les victimes de viol qui portent plainte auprès des autorités encourent des poursuites pour relations sexuelles hors mariage si elles ne peuvent convaincre le tribunal qu’elles ont été effectivement violées.
« Le président Ould Ghazouani devrait donner un nouveau ton en faisant preuve de tolérance zéro vis-à-vis des violences fondées sur le genre », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les Mauritaniennes ne devraient pas avoir à subir en silence le viol et d’autres formes de violence. »
Les autorités mauritaniennes devraient cesser de poursuivre en justice et de placer en détention des hommes et des femmes pour des relations sexuelles hors mariage, connues sous le terme de zina. Selon Human Rights Watch, le gouvernement devrait également dépénaliser cette infraction afin d’harmoniser les lois mauritaniennes avec les conventions internationales protégeant le droit à la vie privée et à l’autonomie personnelle.
Le président Ould Ghazouani devrait faire pression sur le Parlement pour qu’il adopte le projet de loi sur les violences fondées sur le genre, en attente depuis 2016. Il devrait en outre veiller à l’élargissement de la définition du viol contenue dans le projet de loi à l’étude et à la criminalisation de toutes les autres formes de violence sexuelle.
Le président devrait également soutenir l’abrogation, dans le code pénal, de toutes les peines constituant des traitements cruels, inhumains et dégradants, telles que la mort par lapidation ou la flagellation, même si un moratoire est actuellement en vigueur sur ces châtiments.
Le gouvernement devrait consacrer davantage de fonds à l’assistance aux victimes de violence, notamment en créant des centres d’accueil de courte et de longue durée et des unités spécialisées pour ouvrir des poursuites dans les cas de violence sexuelle.
La Mauritanie devrait également renoncer à toutes ses réserves concernant les articles 13 (a) et 16 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui concernent respectivement le droit aux prestations familiales et l’exigence d’une traitement égalitaire pour toute question matrimoniale ou familiale..